Page:Aimard - Les Trappeurs de l’Arkansas, 1858.djvu/156

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— Il est mort !… je l’ai tué ! répondit le capitaine avec un indéfinissable accent de haine et de joie. Les Indiens ont voulu s’emparer du fort, la lutte a été terrible, nous étions douze hommes résolus contre quatre cents sauvages, que pouvions-nous faire ? Lutter jusqu’à la mort. C’est ce qui fut résolu. Les Indiens, reconnaissant l’impossibilité de s’emparer de nous vivants, nous ont jeté les colons du village après les avoir scalpés et leur avoir coupé les poignets, ensuite ils ont incendié le fort.

Le blessé, dont la voix s’affaiblissait de plus en plus et dont les paroles devenaient inintelligibles, but quelques gouttes de liqueur, puis il continua son récit que les chasseurs écoutaient avidement.

— Un souterrain servant de cave s’étendait sous les fossés du fort, lorsque je reconnus que tout moyen de salut nous échappait, que la fuite était impossible, je fis descendre mes malheureux compagnons dans cette cave, espérant que Dieu permettrait peut-être que nous pussions nous sauver ainsi. Quelques minutes plus tard le fort s’écroula sur nous. Nul ne peut s’imaginer les tortures que nous avons souffertes dans ce gouffre infect, sans air et sans lumière, les cris des blessés, et nous l’étions tous plus ou moins, demandant de l’eau, le râle des mourants formaient un épouvantable concert qu’il n’est donné à aucune plume de décrire. Nos souffrances déjà intolérables s’accrurent encore par le manque d’air ; une espèce de folie furieuse