Page:Aimard - Les Trappeurs de l’Arkansas, 1858.djvu/31

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ce cœur qui s’ignorait soi-même avait tourné toutes ses pensées vers ses enfants, qu’elle s’était mise à adorer de toutes les forces virginales de l’amour maternel, le plus beau et le plus sain de tous.

Pour don Ramon, toujours bon et prévenant pour sa femme, qu’il ne s’était jamais donné la peine d’étudier, il avait le droit de la croire la plus heureuse créature du monde, et elle l’était en effet depuis que Dieu l’avait rendue mère.

Le soleil était couché depuis quelques instants, le ciel perdait peu à peu sa teinte pourprée et s’assombrissait de plus en plus, quelques étoiles commençaient déjà à scintiller sur la voûte céleste, et le vent du soir se levait avec une force qui présageait pour la nuit un de ces orages terribles, comme ces régions en voient souvent éclater.

Le mayoral, après avoir fait renfermer avec soin le reste du ganado dans l’enclos, rassembla les vaqueros et péons, et tous se dirigèrent vers l’hacienda où la cloche du souper les avertissait que l’heure du repos était enfin venue.

Lorsque le majordome passa le dernier en le saluant devant son maître :

— Eh bien, lui demanda celui-ci, nô Eusébio, combien de têtes avons-nous cette année ?

— Quatre cent cinquante, mi amò – mon maître –, répondit le mayoral, grand homme sec et maigre, à la tête grisonnante et au visage tanné comme un morceau de cuir, en arrêtant son cheval