Et voyant que l’autre frappait du pied avec rage, il entonna de sa voix goguenarde :
L’homme au gourdin se mordait les lèvres jusqu’au sang, et fourrageait la luxuriante barbe noire qui ornait les côtés et le bas de son visage.
— Planches-tu, môme ? répliqua-t-il d’un ton rogue.
— Plancher, moi ! Le plus souvent ! j’suis pas connu pour ça.
— Ainsi, tu laisses tes amis en plan ?
— Rataplan ! plan ! plan ! Les amis ! c’te bonne blague !
— Oui, les…
— En v’là des camaraux ! Merci, je sors d’en prendre, et j’ai vu de quoi il retourne dans leur cervelette.
— Hein ! tu dis ? fit l’homme d’un air scandalisé.
— Je dis que ces corbeaux-là aiment trop le raisiné ; c’est tous des pègres…
— Après ! qu’est-ce que t’es donc, toi ? Le Grand-Turc ?
— À la Porte ! ricana le petit en se pinçant le nez et en faisant des courbettes devant son camarade. Alli ! Allah ! Alli ! Allah !
— As-tu fini, satané pégriot !
— Pégriot, je veux ben, mais pas surineur.
— Qui te parle de suriner ?
— Toi et les amis.
— Moi ?
— Les amis et toi.
— Ce n’est pas vrai !
— Un démenti, monsieur le duc !
— C’est pas vrai, je te dis.
Le petit se mit à jouer de l’orgue de Barbarie avec le coin de sa blouse, et lui lança une bouffée de fumée dans le nez.
— Mouchette ! cria l’homme en fureur.
— Monsieur Coquillard ?… fit l’enfant, qui n’hésita pas à répondre à ce nom de Mouchette.
— Quoi ?
— Vous avez tort de vous répéter quand vous êtes dans votre tort.
— J’ai tort, moi ?
— Je le jure sur la tête de la jolie marchande de tabac qui m’a vendu ces soutados. En veux-tu la moitié d’un ?
— Ce n’est pas de refus.
Et Mouchette, tirant un eustache de sa poche gauche, côté du cœur, partagea gravement un cigare d’un sou par la moitié.
— Pingre !
— C’est comme ça qu’on fait les bonnes maisons, dit le voyou, qui offrit un des bouts de cigare à son hôte.
Mouchette était chez lui ou à peu près.
— Remarquez, cher mossieu de Coquillard, que c’est le bon bout que je vous offre.