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De cette chanson, improvisée par lui, ex abrupto, voici à peu près la teneur, pour les paroles :

Dormez bien, forts de la Halle,
Halle ! halle ! halle !
Hommes blancs noirs, gris et roux !
Roux ! roux ! roux !
M’man jase avec la Cigale,
Gale ! gale ! gale !
M’man dormira mieux que vous,
Hou ! hou ! hou !

Quant à la musique, Rossini, le dieu de la musique chrétienne, et Verdi, le pontife de la musique païenne, eussent renoncé à en noter une mesure, une note même, tant la voix qui la chantait était fausse.


XI

LE MESSAGER DE L’INVISIBLE.

Nos deux personnages prêtèrent attentivement l’oreille ; puis au bout d’un instant :

— Ouf ! je suis fatiguée, je n’en peux plus ! dit la Pacline en s’asseyant. Reposez-vous, mon vieux, nous allons avoir à causer longuement.

— Ça dépend ! repartit la Cigale en lui obéissant. Mais, d’abord, pour répondre à ce qui regarde votre fatigue, pourquoi donc est-ce que vous vous décarcassez tant que ça ?… Renoncez à votre métier de réveilleuse et ne gardez que la vente des quatre-saisons.

— Vous êtes bon là, vous, avec votre conseil. Et la marmite ?… elle bouillirait donc toute seule ?

— Vous en aurez toujours bien assez pour deux.

— Pour deux, oui, possible…

La Pacline n’acheva pas, elle se passa la main sur les yeux et reprit d’un air indifférent :

— Mais ne nous occupons pas de ces détails-là. Ce n’est pas pour me donner des conseils que vous v’là ici ?

— Non, la mère, c’est connu, les conseilleurs ne sont pas les payeurs…

— Et vous venez pour me payer ?

— Peut-être bien.

— Quoi donc ?

— Vos services à…

— À qui ?

À ceux que personne ne voit.

Et qui voient tout, ajouta la Réveilleuse en baissant la voix.