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Les révoltés de la Rédemption étaient demeurés à la même place.

Le résultat de cette rencontre étrange les avait pour ainsi dire foudroyés.

Sans force, sans courage, n’ayant même plus pour les guider la volonté nerveuse de la comtesse de Casa-Real qui absorbait tous les soins et toutes les facultés de Marcos Praya, ils se laissaient aller au gré des flots, attendant du hasard leur salut ou leur perte.

L’idée qu’ils avaient gardé si longtemps au milieu d’eux un homme qui venait de les fuir, emportant leurs secrets, la connaissance entière de leurs crimes, les écrasait.

Mourir noyés ou mourir pendus, telle était la seule alternative qui leur restât.

Ils commençaient à vider les barils d’eau-de-vie qui se trouvaient dans leur chaloupe, appelant l’ivresse à leur secours.

Le maître d’équipage lui-même les excitait à cette dernière orgie.

Il se sentait plus compromis que les autres.

Il tenait à en finir plus que les autres, vite et gaiement.

Du reste, le misérable avait un but qu’il ne voulait même plus dissimuler à ses hommes.

Quelque souffrante que fût la créole, c’était une belle proie pour des appétits grossiers comme les leurs.

Tuer Marcos qui les gênait, et s’emparer de la comtesse de Casa-Real, tel était le conseil que le bandit leur donnait.

C’en était fait du métis et de la créole.

La grâce que le capitaine Noël venait de leur accorder devait porter de redoutables fruits.

Un quart d’heure, quelques minutes seulement peut-être encore, et leur effroyable attentat, juste châtiment des crimes de doña Hermosa de Casa-Real, était consommé.

Ce fut dans cette situation que le navire annoncé par le capitaine du brick disparu, les trouva.

On les recueillit à bord de ce navire.

La comtesse de Casa-Real échappait, par miracle, au plus épouvantable péril qu’elle eût couru de sa vie.

Ni elle, ni Marcos Praya ne s’en doutèrent jamais.

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Ces événements, qui se lient si intimement à notre histoire, ainsi que le lecteur le reconnaîtra bientôt, se passaient cinq mois jour pour jour avant cette nuit du dimanche gras pendant laquelle a commencé notre récit.