Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/406

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— Pour qui me prenez-vous, señora ? répondit la quarteronne en affectant une de ses attitudes, un de ses petits airs les plus dignes.

— Alors, où est-il ?

— Dans l’hôtel.

— Que fait-il ?

— Je l’ai prié de vouloir bien prendre la peine d’attendre.

— Et il attend ?

— Comme vous le dites.

— Depuis deux heures ?

— Depuis trois.

— Et tu ne m’as pas prévenue plus tôt ! fit {{Mme} de Casa-Real avec reproche.

— Oh ! ces gens-là sont créés et mis au monde pour suivre le bon plaisir des grandes dames qui vous ressemblent, maîtresse.

— Va me le chercher.

— J’y cours !

Elle allait s’élancer.

La comtesse la retint.

— Marcos Praya a-t-il vu la personne en question ?

La soubrette au teint brun partit d’un éclat de rire perlé :

— Marcos ne voit que ce qu’il me convient de lui laisser voir, répondit-elle.

— Tu l’as caché ? demanda doña Hermosa.

— Ne m’aviez-vous pas recommandé le mystère le plus absolu ?

— Où l’as-tu mis ?

— Pas bien loin d’ici.

— Où donc ?

— Dans la serre.

— Quelle idée !

— Les fleurs sont aussi discrètes que parfumées, fit gaiement la quarteronne.

— Je veux le voir.

— C’est chose facile.

— Sur-le-champ.

— S’il n’est pas mort, s’il n’est qu’endormi, je vous ramène dans deux minutes.

— Tu es bien certaine que nul ne sait sa présence dans l’hôtel ?

— J’ai pris soin de l’introduire moi-même.

— Bien. Veille à ce qu’on ne vienne pas nous interrompre.

— Je veillerai.

— Tu le feras sortir…

— Par une autre issue que la porte par laquelle je l’ai reçu.

— Tu me comprends. Va, querida.

Anita se leva, et sortit.

Mme de Casa-Real demeura pensive, les sourcils froncés, le front pâle.

Un frémissement nerveux l’agitait.

Peu d’instants après, la quarteronne rentra.

Un brave bonhomme de bourgeois la suivait.