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Le colonel Martial Renaud, jetant un regard sur la pendule, se leva, s’approcha de la cheminée contre laquelle il s’appuya, et d’un geste il requit le silence de l’assemblée.

Les conversations particulières cessèrent comme par enchantement.

On l’écouta.

— Messieurs, dit le colonel, il y a aujourd’hui vingt jours qu’à l’issue de notre expédition dans le parc de la maison de Belleville mon frère, votre chef, a disparu. C’est en vain que j’ai appelé à mon aide nos agents les plus dévoués, les plus expérimentés ; c’est en vain que nous avons fouillé ce monde nommé Paris dans ses plus secrets repaires : rien ! Nous n’avons rien trouvé !

« Deux de nos plus fidèles compagnons, absents depuis trois jours, n’ont pas reparu.

« Peut-être sont-ils tombés dans quelque guet-apens tendu par nos ennemis, victimes eux-mêmes de leur dévouement et de leur fidélité. Il faut s’attendre à tous les malheurs.

« Ces agents, dont je regrette l’absence et dont je redouté d’avoir à déplorer la perte avant peu, sont la Cigale et Frantz Keller.

Un murmure de sympathie et de regret accueillit ces paroles du colonel.

Il reprit :

— Le cas de la disparition de notre chef est prévu par les statuts de l’Association. Vous le savez, quand une de ses têtes tombe, une autre la remplace immédiatement.

« Dans les vingt jours qui suivent la disparition ou la mort du chef, une réunion des Compagnons de la Lune doit être convoquée dans le logement de l’un d’entre eux.

« Dans cette réunion, se trouvent neuf membres au moins, faisant partie des principaux chefs de l’Association.

« Séance tenante, un chef suprême remplace le chef suprême décédé, un chef provisoire remplace le chef disparu ou absent depuis vingt jours par une cause inconnue.

« Le temps nous presse, messieurs.

« Cette réunion, j’ai pris sur moi de la convoquer.

« Vous avez répondu à mon appel.

« Merci.

« Nous sommes réunis.

« Voici du papier, des plumes, de l’encre.

« Nous allons procéder à l’élection du chef suprême provisoire.

« Mais avant tout jurons, quel que soit ce chef, de lui obéir aveuglément, ainsi que nous obéissions à son prédécesseur.

— Nous le jurons ! fut-il répondu.

On procéda à l’élection.

Les neuf Compagnons de la Lune firent quelques pas en arrière.

Ils formèrent un groupe compact et causèrent quelques instants à voix basse, sans que le colonel Martial Renaud pût entendre un seul mot de leur entretien.