Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/687

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— Colonel ? lui dit-il.

— Que me voulez-vous, mon ami ?

— Je veux vous dire, colonel, que vous faites là une besogne bien inutile.

— Inutile ? demanda Martial Renaud, qui ne comprenait pas où l’Invisible allait en arriver.

— Oui. Le nouveau chef suprême de notre association est élu à l’unanimité.

— Le chef provisoire ?

— Lui-même.

— Mais je n’ai pas voté.

— Aussi laissez-moi achever… J’ai dit à l’unanimité… j’allais ajouter : moins une voix…, la vôtre.

— Eh bien ?

— Eh bien ! nous espérons, ajouta sir Harry Mortimer, que vous vous rallierez à la majorité.

— Quel est ce chef, mon ami ?

— Notre choix est bon.

— Je n’en doute pas… Ici, je ne vois que des hommes de cœur, des gens d’honneur et d’intelligence… Quel que soit votre choix, pour ma part, je le ratifie d’avance.

— Bien, colonel, nous n’attendions pas moins de vous.

— Et ce chef, son nom ?

— Le colonel Martial Renaud.

— Moi !

— Vous-même.

Le colonel se leva.

Mortimer lui saisit la main et il ajouta :

— Oui, vous. Le plus digne, après votre frère. Nous vous aimons tous, comme nous l’aimions. J’espère que nous reparlerons encore de lui au présent. Nous avons foi en vos talents…

« Vous possédez la plupart des secrets du comte de Warrens, donc, mieux que personne, nous vous jugeons capable de le remplacer.

Martial Renaud hésitait encore.

— D’ailleurs, reprit Mortimer, afin de lever vos derniers scrupules, qui sont une flatterie indirecte à notre endroit, nous vous donnerons la meilleure de foules les raisons pour que vous vous croyiez forcé d’accepter.

— Dites.

— À vous seul…, à vous surtout appartient le bonheur de sauver votre frère ou le droit de le venger. Comptez sur nous, comme nous comptons sur vous.

« À partir de cette heure, en l’absence du comte de Warrens, vous êtes le chef suprême des Invisibles.

Martial Renaud était en proie à une émotion intérieure qu’il surmonta difficilement.

— J’accepte, messieurs, répondit-il. J’accepte la lourde tâche que vous m’imposez. Tous mes efforts tendront à me rendre digne de votre choix. Rioban ?