Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/767

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Ah ! voilà qui était possible, probable même.

Le comte en était là de ses marches et contremarches imaginaires, quand il se sentit rappeler au sentiment de sa tenue légère par le froid excessif, qui le mordait trop cruellement.

Il sauta à bas de son échafaudage, remit tout en ordre et s’habilla.

Cela fait, il s’assit.

Machinalement, comme la veille, ses yeux tombèrent sur sa montre, où ils la cherchèrent.

Il la prit pour la remonter.

Il en ouvrit le boîtier.

Du boîtier ouvert, s’échappa un papier de soie.

Dans sa situation ; rien n’était indifférent, tout lui devenait un événement.

Il regarda.

Sur ce papier, on avait écrit quelques mots microscopiques au crayon.

Le comte tressaillit de joie.

Il parvint à grand’peine à déchiffrer cette écriture.

Voici ce que disait le papier :


« On veille…

« Ne buvez pas de vin.

« Ou si vous en buvez, que ce soit peu et coupé d’eau.

« Jetez le reste de la bouteille, pour faire croire que vous avez tout bu.

« Un ami. »


— Un ami ! répéta le comte de Warrens. Un ami ! Qui cela ? Pourquoi n’a-t-on pas signé ?

« Martial aurait signé.

« Les autres amis aussi.

« Pourquoi celui qui m’écrit, ne me dit-il pas son nom ?

Puis, se frappant le front, il réfléchit.

— C’est un piège, fit-il. Bah ! je le verrai bien ! Quelle que soit la source de cet avertissement, de cet encouragement… merci à l’ami inconnu… Son avis est le bienvenu. Il ne faut rien négliger !… Ce papier dit vrai, je le sens ! Je serais fou en ne l’écoutant pas.

Il déchira le papier en parcelles presque imperceptibles, et le jeta tout éparpillé sous son lit.

À l’heure habituelle, le porte-clefs parut avec le déjeuner.

Contrairement à sa coutume, le digne homme était en humeur babillarde.

Il paraissait presque gai.

M. de Warrens s’aperçut de ce changement, qui le rendit soupçonneux et réservé.

Ne laissant rien paraître de ses impressions, il feignit d’entrer dans la disposition joyeuse du guichetier.

Il lui donna même la réplique.