Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/770

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— Tout est prévu, se dit-il.

Il ouvrit alors la troisième gamelle.

Celle-là contenait le déjeuner.

Le comte se mit gaiement à table.

Qu’avait-il à redouter maintenant ?

Des amis au dehors !

Un complice au dedans !

Et des armes !

Tout lui souriait de nouveau.

La partie perdue aux trois quarts se relevait pour lui.

Les probabilités se mettaient de son côté.

Il ne se préoccupa plus que d’un seul soin, cacher ses armes.

Les revolvers ne l’inquiétaient pas, leur petitesse permettait de les mettre, sans l’ombre de danger, dans les poches de côté de sa veste.

Pour le poignard, la difficulté grandissait.

Cette arme, œuvre d’un ouvrier espagnol du xve siècle, était une véritable miséricorde, longue d’environ dix-huit pouces, y compris la poignée, ciselée avec une délicatesse et une perfection rares.

Le comte de Warrens la dégaina.

Un papier était roulé autour de la lame.

Sur ce papier étaient écrites certaines instructions d’une écriture fine et même ressemblant à s’y méprendre à celle du billet que le prisonnier avait trouvé précédemment caché dans le boîtier de sa montre.

Cette écriture, il crut la reconnaître.

Mais l’idée que la personne à qui elle appartenait pouvait se trouver auprès de lui tombait tellement dans l’absurde que Passe-Partout la rejeta sans y réfléchir davantage.

Il crut à une ressemblance de plume.

On lui disait qu’il pouvait avoir la confiance la plus absolue dans le guichetier, dont on avait acheté le dévouement.

On l’avertissait de se méfier des breuvages qui lui étaient servis.

On lui recommandait surtout de veiller et de se tenir sur ses gardes, le moment de sa délivrance approchant, et ses amis étant prêts à intervenir vigoureusement en sa faveur.

Les deux derniers mots de cette missive étaient : « Patience ! espoir ! »

Le papier eut le même sort que le billet, c’est-à-dire qu’il l’anéantit.

Il cacha le poignard sous son gilet.

Puis se jetant nonchalamment sur son lit, il ouvrit pour la seconde fois le beau livre de Silvio Pellico.

Voici le chapitre ou le commencement du chapitre qui, par un incompréhensible hasard, lui tomba sous les yeux :