Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/807

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Leur réveil, cependant, ne devait pas laisser d’être rude.

Un second coup de sifflet retentit,

Un hourra formidable le suivit aussitôt, et moins d’une seconde plus tard une légion de démons envahissait la cour de la ferme.

Les bandits, réveillés en sursaut, sautèrent sur leurs armes et s’élancèrent au dehors en s’appelant les uns les autres.

C’était surtout Marcos Praya, leur chef, qu’ils appelaient à cor et à cri.

Celui-ci se donnait bien garde de venir se mettre à leur tête.

On sait pourquoi.

Les premiers défenseurs de la ferme qui se hasardèrent de sortir de la salle basse et parurent à demi éveillés dans la cour furent aussitôt abattus à coups de hache.

Cela donna à réfléchir aux autres.

Mais les bandits qui dormaient, renfermés dans la salle basse, ne formaient que la moitié à peu près de la garnison.

Une vingtaine d’autres gaillards solides et prêts à tout se reposaient, eux aussi, dans une grange peu éloignée.

Au bruit, ils accoururent et se jetèrent bravement dans la bagarre.

Comme, après tout, ces bandits étaient tous des hommes résolus et tenant à gagner consciencieusement leur argent, le combat ne tarda pas à devenir sérieux.

La tuerie s’organisa de part et d’autre.

Seule, jusqu’à ce moment, la première troupe des Compagnons de la Lune, celle de la Cigale, se trouvait engagée.

L’autre, sous les ordres de René de Luz, ayant un trajet plus long à parcourir, n’avait point encore paru.

La Cigale, Mouchette et les siens l’attendaient impatiemment.

Trop peu nombreux pour tenir tant d’ennemis en échec, mais, ne voulant pas reculer d’une semelle, le géant et ses camarades avaient formé une sorte de masse compacte, de carré défensif au milieu de la cour, et là ils se battaient comme de beaux diables.

Accrochant provisoirement la hache à leur ceinture, ils avaient saisi les bâtons à deux bouts, et ils venaient de commencer leur terrible moulinet de défense.

Par un accord tacite, aucun coup de feu ne se tirait.

Ni l’un ni l’autre parti ne se souciait de donner l’éveil au dehors.

Quant aux maîtres de la ferme, à leurs employés et à leurs tâcherons, à demi morts de frayeur, ils se tenaient prudemment cois et renfermés chez eux, laissant les deux partis se tirer d’affaire comme ils l’entendraient.

On n’est pas Normand pour rien.

Pas de bénéfice, pas de coups.

C’était bien naturel !

Tout à coup le cri :

— Passe-Partout ! Passe-Partout ! retentit, à l’autre extrémité de la cour.

La seconde troupe des Compagnons de la Lune, ayant le vicomte René de Luz à sa tête, arrivait au pas de course.