Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/118

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s’ignore encore, avec la délicieuse langueur de la femme ; elle était belle sans le savoir.

Autour du carrosse galopaient quatre valets en grande livrée, armés jusques aux dents.

Lorsque la lourde voiture eut disparu à l’angle de la rue la plus proche, le jeune homme sembla se réveiller en sursaut de l’extase où il était plongé :

— Chère Violenta ! murmura-t-il. Est-ce une femme ou un ange ? Et moi, moi misérable fou ! j’ose aimer cette créature céleste ! oh ! oui, je l’aime ! je l’aime à mourir sur un mot de ses lèvres, sur un signe de ses doigts rosés. Oh ! la voir ! la voir toujours !…

Et il reprit sa course, fou, éperdu, derrière la voiture.

Mais cette course ne fut pas longue. Le carrosse tourna sur le port et s’engloutit comme un ouragan dans la cour d’une maison dont les portes se refermèrent aussitôt sur lui.

Le matelot s’arrêta à quelques pas, et examina cette maison avec la plus sérieuse attention.

— C’est là qu’elle s’arrête, murmura-t-il à part lui. On ne m’avait pas trompé ! Mes renseignements étaient exacts ! Partira-t-elle réellement ?… oh ! je le saurai !

Il jeta un dernier regard sur la maison, puis il s’éloigna comme à regret, et entra, une centaine de pas plus loin, dans un cabaret fréquenté par les matelots.

Mais ce n’était ni pour boire ni pour manger ; l’Olonnais avait bien d’autres choses en tête en ce moment, que la satisfaction de ses appétits matériels.

Il s’arrêta un instant sur le seuil de la porte et, après avoir promené un regard inquisiteur tout autour de la salle basse, sombre, enfumée, sans doute il découvrit ce qu’il cherchait ; car il se dirigea vers une table occupée seulement par un buveur solitaire, et il s’assit sans hésiter à côté de lui.

Les deux marins, car l’inconnu lui aussi portait le costume de matelot, échangèrent un sourire et une poignée de mains.