Le capitaine Guichard avait pris l’éveil lui aussi. Il connaissait son second depuis trop longtemps, pour ne pas surveiller de près ses actions, même celles en apparence les plus indifférentes ; il avait le pressentiment que celui-ci agissait d’après un plan laborieusement élaboré. Quel était ce plan ? Quel but le comte voulait-il atteindre ? Voilà ce que le capitaine Guichard ignorait, mais ce qu’il lui importait de découvrir ; afin, s’il était possible, de déjouer les machinations du comte, et de le démasquer, aussitôt qu’il se laisserait emporter à commettre une faute.
Mais le comte était bien fin ; se sentant soupçonné il jouait très-serré.
Il fallait donc faire avec lui un assaut continu de ruse et d’adresse ; feindre avant tout à ses yeux, d’avoir en lui la plus entière confiance ; tout en le surveillant attentivement.
La situation était difficile, critique même. Le capitaine Guichard avait à lutter contre forte partie. Il n’hésita pas à faire part à l’Olonnais, qu’il avait appris à connaître, et dans lequel il avait la plus entière confiance, de son appréhension secrète ; il lui révéla le caractère équivoque de son second, et les craintes qu’il éprouvait à son sujet. L’Olonnais écouta cette confidence avec la joie la plus vive. Soutenu par son capitaine, il se sentit fort et reprit espoir. Pitrians son ami fut mis dans le secret et tous trois, d’un commun accord, ils résolurent d’exercer une surveillance occulte autour de l’homme que, désormais, ils considéraient comme un ennemi ; d’épier ses moindres actions, soit de jour, soit de nuit ; en un mot de ne pas le perdre de vue un instant, afin de déjouer le plan que sans doute il avait conçu, pour séduire la jeune et charmante fille du duc de la Torre, et la compromettre de telle sorte, qu’elle fût contrainte d’accepter sa main.
Cependant le voyage se continuait dans les plus excellentes conditions ; la brise depuis le départ de Dieppe n’avait ni augmenté ni diminué ; elle n’avait