Il commença à lire le rapport ; mais tout à coup le papier lui échappa des mains, son visage se couvrit d’une pâleur livide, et il se renversa sur son siège comme s’il perdait connaissance.
— Qu’avez-vous donc, commandant ? Vous sentez-vous mal ? s’écria Vent-en-Panne en se levant vivement et s’approchant de lui avec intérêt.
— Ce n’est rien, mon cher capitaine, dit le commandant en faisant un effort suprême pour dompter la douleur qu’il éprouvait ; ce n’est rien, un éblouissement subit, je suis sujet à certains éblouissements ; mais, ajouta-t-il avec un sourire triste, cela ne dure pas et tenez, maintenant, je suis complétement remis.
— Cordieu ! commandant, vous m’avez grandement effrayé. J’ai craint un instant de vous voir trépasser entre mes bras.
— Je vous remercie cordialement du vif intérêt que vous me témoignez, mon cher capitaine ; en effet, la douleur que j’ai éprouvée a été cruelle, mais maintenant je me sens bien. Revenons donc à notre affaire.
M. de Lartigues, quoiqu’il fût encore d’une pâleur cadavéreuse, qu’un tremblement nerveux agitât ses membres, essaya de sourire, tendit la main, au boucanier qui le pressa avec chaleur ; puis il reprit le rapport et continua à le lire d’un bout à l’autre, sans donner la plus légère marque d’émotion ou d’intérêt autre, qu’une profonde horreur pour le crime commis et dont la relation était sous ses yeux.
— Mon cher capitaine, dit-il enfin en repliant le papier et le posant sur la table, un crime aussi odieux ne saurait demeurer impuni. Justice doit être faite ; je m’en charge.
— Que m’ordonnez-vous, commandant ?
— Voici ce qu’il convient de faire, mon cher capitaine. Je vais immédiatement assembler à mon bord une cour martiale dont vous ferez partie.
— Moi ! commandant ?