Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Et moi aussi, sire, dit le duc en coupant hardiment la parole au roi, et moi aussi, je comprends.

— Ah ! fit le roi en souriant.

— Oui, sire, je comprends que votre Majesté a toutes les bontés comme elle a toutes les délicatesses, et qu’elle a tenu à m’annoncer elle-même cette haute faveur.

— Et quand cela serait, duc ? fit le roi d’un ton de douce raillerie, m’en conserveriez-vous rancune ?

— Oh ! sire ! s’écria le duc en s’inclinant sur la main du roi qu’il baisa, pourquoi ne suis-je pas votre sujet par la naissance comme je le suis par le cœur, pour vous prouver mon sincère dévouement.

— Je sais ce que vous valez et je vous apprécie, duc. Voici votre brevet ; sur ma demande, le roi, mon frère, me l’a adressé directement ; je suis heureux de vous le remettre et de voir que justice vous a été enfin rendue.

— Oh ! sire !

— Sous quelques jours vous recevrez vos instructions. Quant à votre départ ne faites aucun préparatif. Voyez Colbert. Je me suis entendu avec lui à ce sujet.

— Sire, votre majesté me comble !

— Non, je veux seulement vous donner une preuve de la haute estime dans laquelle je vous tiens, mon cher duc. Je désire que vous ne quittiez pas ma cour avant de m’avoir fait vos adieux.

Le roi s’inclina légèrement ; c’était un congé. Le duc salua profondément et sortit du salon.

Malheureusement les bruits de guerre n’étaient que trop fondés. Elle fut quelques jours plus tard déclarée à l’Espagne.

M. de Colbert qui avait désigné la frégate le Porc-Épic pour transporter en Amérique le duc de la Torre et sa famille, fut obligé de donner une autre destination à ce navire. Ce fut alors qu’il prit des renseignements auprès des directeurs de la Compagnie des Indes, et qu’il traita avec eux pour le passage de M. de la Torre jusqu’à Saint-Domingue, sur un de leurs bâtiments nommé le Coq.