vos courses à travers le monde, quel est le phénomène dont vous avez été le plus frappé ?
— Celui que j’ai observé un jour près du détroit de Messine, presque en vue de Reggio.
— Et ce phénomène était ?
— Un mirage étrange, comparable à aucun autre, auquel les habitants des pays donnent le nom de Fata morgana.
— Quel est le nom composé de deux voyelles et trois consonnes que vous préférez ?
— Astor.
— Je n’abuserai pas davantage de votre complaisance, monsieur, je me nomme, le Chat-Tigre, voici mon ami Chanteperdrix ; capitaine Astor Bothwell, veuillez nous faire l’honneur de prendre place à notre table ; la présentation a eu lieu dans toutes les règles ; nous nous connaissons maintenant, comme si nous étions de vieux amis.
— Ce qui se réalisera bientôt, je l’espère, messieurs ; je suis pour ma part tout disposé à vous donner mon amitié ; je vous dirai presque que vous l’avez déjà.
— Vous nous comblez ! répondit le Chat-Tigre.
Après l’échange de quelques poignées de mains, les trois hommes s’assirent à table côte à côte, les pipes furent allumées, les verres remplis, et pendant quelques instants, on entretint un choc de verres tout à fait cordial.
Cependant malgré cette apparente cordialité de manières, et leur laisser-aller affecté, les trois hommes s’observaient à la dérobée, avec une persistance prouvant que toute inquiétude n’était pas encore bannie de leur esprit.
Le Chat-Tigre et Chanteperdrix, mis en scène déjà dans un de nos précédents chapitres, paraissaient âgés de quarante cinq à cinquante ans, séparés l’un de l’autre par un ou deux ans de différence ; il existait entre eux une ressemblance physique si singulière que sans leurs dénégations obstinées, on les auraient supposés