Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/25

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— Oui, car j’ai hâte de savoir par quel hasard ou plutôt quelle fatalité, vous vous trouvez mêlé à tout ceci.

— Il n’y a ni hasard, ni fatalité, mon ami ; ainsi qu’on vous l’a dit, sans doute, je suis originaire de cette province, où je possède quelques propriétés. Une de ces propriétés, où je me rends, chaque fois que les devoirs de ma charge me laissent quelques jours de liberté, est située aux environs de Luçon, à deux portées de fusil au plus du château héréditaire des comtes de Manfredi-Labaume, qui, ainsi que vous le savez mieux que personne, vous, leur ennemi implacable, ont suivi la reine Catherine de Médicis lorsqu’elle vint en France.

— Cette haine est ancienne, docteur ; elle date de la Saint-Barthélemy.

— Je le sais ; vous étiez huguenots alors, tandis que les Manfredi-Labaume, alliés de très-près à la reine, étaient, ce qu’ils sont encore, de zélés catholiques ; mais laissons cela, quant à présent ; aujourd’hui vos deux familles sont de la même religion ; depuis longtemps déjà cette haine devrait être éteinte.

— Quant à moi, je vous assure, docteur…

— Oui, oui, dit celui-ci avec ironie ; mais vous avez, convenez-en, une singulière façon de renouer les relations ; je vous le répète, laissons cela ; je suis l’ami intime de cette famille, le parrain de la pauvre Sancia ; c’est elle qui m’a tout confié ; ce secret, je l’ai précieusement conservé dans mon cœur ; moi seul le possède…

— Vous vous trompez, docteur, dit une voix rude et menaçante ; ce secret, je le sais aussi, moi !

Les deux hommes frissonnèrent comme s’ils eussent été piqués par un serpent, et ils se tournèrent vivement vers le fond de la chambre où un homme se tenait immobile, soulevant de la main gauche un pan de la tapisserie.

— Oh ! voilà ce que je redoutais ! murmura le docteur avec une expression de douleur navrante.