Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/29

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— Ne vous inquiétez donc pas de lui, continua le comte dont le sang-froid, en ce moment, semblait d’autant plus effrayant qu’il cachait une fureur terrible ; ce sera, dans quelques instants, l’affaire du docteur, je désire qu’il le guérisse, bien que je redoute le contraire.

— Monsieur le comte, interrompit le jeune homme avec colère, finissez, je vous prie, ces sarcasmes de mauvais goût ; je suis prêt à faire votre partie.

— Patience, mon gentilhomme, cela viendra bientôt, n’ayez peur ? reprit le comte, sans rien perdre de son impassibilité ; mais il nous faut procéder dans les règles : il me reste à vous avertir que vous n’avez à compter sur aucun de vos gens ; ils sont tous mes prisonniers ; votre lougre même est en mon pouvoir.

— À ce qu’il paraît, dit le jeune homme avec une ironie méprisante, vous exercez la piraterie jusque sur les côtes de France ; c’est bon à savoir !

— On fait ce qu’on peut, monsieur ; quant à ce dont vous me menacez, il est probable que ce ne sera pas vous qui dénoncerez le métier plus ou moins lucratif auquel je me livre. Aussi n’ai-je aucune inquiétude à ce sujet. C’est par suite d’une vieille habitude de prudence que j’ai fermé la porte de cette chambre ; en vous disant ce que je vous ai dit, et en agissant ainsi que je l’ai fait, j’ai voulu simplement que vous comprissiez ceci : nous sommes bien seuls, en face l’un de l’autre, armés de notre haine, sans secours possible, d’où qu’il vienne ; maintenant, monsieur le prince de Montlaur, si vous y consentez, nous allons un peu causer comme deux anciens amis que nous sommes. Ces dernières paroles furent scandées avec une intonation effrayante. J’attends ce que vous avez à me répondre, ajouta-t-il.

— Je serai bref, monsieur le comte, répondit le jeune homme avec une hauteur dédaigneuse ; ainsi que vous-même l’avez dit, toute explication serait oiseuse entre nous ; c’est une réparation qu’il vous faut, soit ! je suis