Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/294

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— Oui, dit-elle.

— Il est bien venu, le gars ; cela fera un bon matelot.

Puis au lieu de cent doubles pistoles, il lui en remit mille, et comme elle lui témoignait son étonnement :

— Cet argent est le dernier que vous recevrez de moi, dit-il ; le docteur est mort il y a dix jours ; mais comme vous le voyez, il ne vous a pas oubliée ; maintenant vous êtes libre d’agir à votre guise. Si j’étais que vous, je me débarrasserais de ce gaillard-là, en l’embarquant comme mousse, sur quelque navire, et je garderais l’argent.

La pauvre femme fit un geste d’horreur, et me serrant à m’étouffer dans ses bras :

— Pauvre chérubin ! s’écria-t-elle, à présent qu’il n’a plus que moi, je serai sa mère.

— Comme il vous plaira, dit le négociant en haussant les épaules ; et lui tournant le dos : Ma foi, ajouta-t-il en se parlant à lui-même, ce drôle de docteur ne s’était pas trompé ; définitivement, mon vieil ami Guénaud connaissait les hommes… et les femmes, ajouta-t-il à demi-voix.

Puis il congédia poliment ma mère adoptive, et tout fut fini avec lui.

Vent-en-Panne s’était levé, il se promenait avec agitation à travers la pièce.

L’Olonnais ne remarqua pas, ou feignit de ne pas remarquer, l’état extraordinaire dans lequel se trouvait le frère de la Côte, et il continua imperturbablement son histoire jusqu’à son arrivée à Saint-Domingue ; nous ne répéterons rien de cette confidence, tous ces événements étant déjà connus du lecteur ; ce récit souvent interrompu par le flibustier, se prolongea assez avant dans la nuit ; lorsqu’enfin il fut terminé, Vent-en-Panne, ouvrit ses bras au jeune homme et, les yeux pleins de larmes :

— Embrasse-moi, matelot, lui dit-il avec émotion, je t’aime encore davantage, depuis que tu m’as tout