Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/296

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mense panorama qui se déroulait devant lui ; et dont les accidents divers, agrandis et déformés par les rayons blafards de la lune, prenaient les apparences les plus fantastiques et les plus étranges ; le bruit monotone et continu des flots brisant sur les galets, semblait par sa mélancolique mélodie, accompagner les tristes et sombres pensées, bouillonnant dans l’esprit bourrelé du vieux frère de la Côte.

Cinq heures furent piquées à bord d’un navire mouillé en rade, et presque aussitôt répétées sur tous les autres.

Vent-en-Panne tressaillit, il passa nerveusement sa main sur son front moite d’une sueur glacée, se retira de la fenêtre, la ferma ; et se tournant vers son ami :

— Dors-tu, matelot ? lui demanda-t-il après l’avoir silencieusement examiné pendant quelques minutes.

— Non, matelot ; répondit aussitôt le jeune homme, en se retournant, je suis éveillé.

— Depuis longtemps ?

— Mes yeux ne se sont pas fermés une seconde, de toute cette nuit.

— C’est comme moi, murmura Vent-en-Panne.

— Pourquoi ne t’es-tu pas couché ? demanda le jeune homme, qui avait entendu.

— Je ne me suis pas senti envie de dormir ; et puis pourquoi ne te l’avouerai-je pas ? tout ce que m’as dit m’a très-impressionné, et m’a donné fort à réfléchir.

— Ah ! fit le jeune homme d’une voix distraite, que démentait l’éclat de son regard.

— Oui ; comment te sens-tu ?

— Bien.

— Cette longue insomnie ne t’a pas fatigué ?

— Loin de là, matelot ; il me semble au contraire que je suis complétement guéri ; l’air rafraîchissant de cette fenêtre ouverte a calmé ma fièvre ; ma tête est froide, mes idées nettes et claires ; je sens mes forces renaître, ma respiration soulève régulièrement ma poitrine sans