Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/315

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sitivement déclaré qu’elles voulaient faire partie de cette expédition.

Mais, M. d’Ogeron était un homme prudent ; il ne voulait pas que ses hôtes fussent exposés au plus léger péril ; il savait de longue date le mépris profond que les boucaniers professaient pour les Espagnols, et leur obstination à ne croire à aucun danger venant de leur part ; il exigea qu’en cette circonstance toutes les précautions de prudence fussent rigoureusement prises ; ne fut-ce, ajouta-t-il, que dans le but de rassurer les dames, et leur enlever toute inquiétude pendant leur excursion.

Les frères de la Côte protestèrent vainement de la sûreté complète de la Savane ; le gouverneur tint bon ; la suite prouva combien il avait eu raison. Enfin à bout d’arguments, les flibustiers cédèrent aux instances de M. d’Ogeron ; et tout en riant de ses craintes, qu’ils traitaient de chimériques, ils consentirent en haussant dédaigneusement les épaules, à se faire accompagner par une quinzaine de leurs engagés les plus résolus, armés de fusils et de baïonnettes.

Lorsque les chasseurs, ou plutôt les promeneurs ; car le duc de la Torre, M. d’Ogeron et leurs serviteurs, ne devaient être que spectateurs de la chasse, quittèrent la ville, un peu avant le lever du soleil, ils formaient une troupe de trente-cinq hommes, tous bien armés, et dont une partie était à cheval.

Les frères de la Côte et leurs engagés avaient préféré marcher ; prétendant qu’ils passeraient plus facilement à pied, à travers les hautes herbes et les épais taillis des savanes, mais en réalité, pour, en cas d’événements imprévus, être plus libres de leurs mouvements.

Les premières heures de la promenade furent très-agréables ; les dames habituées aux points de vue étriqués, froids et uniformes qui se succèdent sans cesse, les uns après les autres, en Europe, étaient émerveillées des aspects imposants, majestueux et saisissants, que prenait à chaque pas la campagne abrupte qu’elles traversaient, et dont les accidents grandioses, jamais