— Eh bien, Ludovic, tu es maître de mon secret. C’est au duc de la Torre, à la duchesse et à sa fille, que j’en veux.
— Ainsi tu n’es pas venu pour moi à Saint-Domingue ?
— Si je te disais cela, je mentirais ; l’occasion me semblait belle, pour me venger de toi, tout en me vengeant du duc de la Torre.
— Tu le hais donc aussi, ce gentilhomme ?
— Oui, dit-il d’une voix sourde, plus peut-être que je ne te hais toi-même ; pour que tu en sois bien convaincu, j’ajouterai que je consentirais volontiers à renoncer à toute vengeance contre toi, si le duc de la Torre et sa famille m’étaient livrés.
— Oh ! oh ! que signifie cela ?
— Que t’importe ; ce n’est pas ton affaire ? tu n’as le droit de me demander aucun éclaircissement à ce sujet.
— C’est vrai, aussi n’insisterai-je pas ; d’ailleurs, je n’ai rien à voir avec le duc de la Torre, ni avec ceux qui lui appartiennent.
— C’est le hasard seul, qui t’a conduit aujourd’hui à l’endroit où je me tenais en embuscade ; sans ton arrivée, j’aurais réussi à m’emparer de cette famille, ou du moins de la duchesse et de sa fille ; ce fait seul doit te prouver que tu n’entrais qu’en seconde ligne dans ces projets que j’ai conçus, et que je fais bon marché de ma haine contre toi.
— En effet, tu ne pouvais prévoir que j’arriverais si à propos, puisque moi-même, un instant auparavant, j’ignorais la situation dans laquelle se trouvaient mes amis.
Il y eut un court silence.
Les deux hommes s’observaient à la dérobée.
Vent-en-Panne reprit la parole.
— Finissons-en, dit-il.
— Je ne demande pas mieux, répondit le Chat-Tigre.
— Si bandit que tu sois devenu, il doit te rester en-