Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

III

DE QUELLE FAÇON LE COMTE DE MANFREDI-LABAUME COMPRENAIT LA VENGEANCE.

Les heures sombres de la nuit s’étaient lentement écoulées ; l’aube commençait à teinter les vitres d’une lueur grisâtre qui faisait pâlir les lumières, le feu s’éteignait tristement dans l’âtre ; des bouffées d’un air froid et humide couraient sur les longues tapisseries qu’elles faisaient frissonner ; un silence de mort planait sur la chambre de la malade.

Silence rendu plus farouche et plus significatif par l’immobilité marmoréenne des deux ennemis ; toujours placés côte à côte, le cou tendu et le regard étincelant, à demi dissimulés dans les larges plis des lourds rideaux, comme deux tigres aux aguets, ils n’avaient pas échangé un mot, pas fait un geste, depuis que le docteur avait brusquement mis fin à leur débat.

Le docteur Guénaud, pâle, les sourcils froncés, les lèvres serrées, prodiguait à la malade les soins les plus intelligents et les plus affectueux ; sans s’arrêter une seconde, luttant pied à pied contre la crise terrible qui, en se prolongeant, menaçait d’être fatale à la pauvre jeune fille, essuyant furtivement son front inondé de sueur ; oubliant sa fatigue, sa douleur, pour ravir à la mort cette proie dont elle voulait s’emparer.

Il y avait quelque chose de grandiose et de terrible dans cette lutte acharnée de la science, que rien n’aidait dans ce corps inerte et que la vie semblait avoir aban-