Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/40

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— Je le reconnais moi-même, monsieur ; vous êtes donc absous à l’avance par celui que vous considérez à juste titre comme étant votre ennemi mortel : faites ce qu’il vous plaira ; je saurai souffrir, sans me plaindre, l’expiation que vous m’infligerez.

— Peut-être ? murmura le comte avec un sourire sinistre.

— Quant à l’union que vous me proposez, continua le prince, union qui comblerait tous mes vœux et laverait la tache dont mon honneur est souillé : cette union, bien que mon cœur se brise en vous parlant ainsi, je suis forcé de vous répondre qu’elle est impossible ; nulle puissance au monde ne me la fera jamais contracter, quelles que soient pour moi les suites de ce refus.

Un long frémissement de colère et de menace parcourut les rangs des spectres sinistres, témoins silencieux de cette scène étrange.

Le comte fit un geste, tout se tut.

Pendant deux ou trois minutes, le sombre jeune homme marcha d’un pas saccadé à travers la chambre.

Chaque fois qu’il passait devant la litière, il jetait un long regard à sa sœur qui dormait, calme et souriante ; sans avoir conscience de ce drame terrible et dont seule elle était la cause.

Le comte, pas plus que le prince, n’avait remis son masque ; il était donc facile de suivre sur ses traits, pâles et contractés, les sentiments qui tour à tour l’agitaient et venaient se refléter sur son visage comme sur un miroir. À un certain moment, sa physionomie prit une telle expression de sauvage férocité, que tous ces hommes, dont les regards étaient fixés sur lui, se sentirent frissonner de terreur ; bien qu’ils ignorassent quelle pensée infernale avait tout à coup traversé son cerveau.

Seul, le prince de Montlaur demeurait calme et indifférent en apparence ; il connaissait l’implacable énergie de l’homme aux mains duquel il était tombé ; il savait quelle haine furieuse gonflait son cœur ; il com-