Une heure plus tard, la felouque avait disparu derrière une anfractuosité de la côte, et le lougre se dirigeait, toutes voiles dehors, vers le détroit de Gibraltar.
IV
LA LOI DU TALION
Plus de deux mois s’étaient écoulés depuis les événements que nous avons rapportés dans notre précédent chapitre ; le 2 Juin 1648, un étranger de haute mine, bien vêtu, monté sur un cheval de race et suivi par un domestique qui trottait derrière lui, à distance respectueuse, sur un vigoureux courtaud fleur de pêcher, se présenta, entre sept et huit heures du matin à la porte Saint-Victor, une des portes de Paris.
Ce voyageur paraissait fort pressé. Après avoir échangé quelques paroles avec le commis du pied-fourchu, préposé à la perception des droits dans la ville, et s’être renseigné sur la direction qu’il lui fallait prendre pour atteindre, le plus promptement possible, le quartier du Palais-Cardinal, maintenant royal, habité par la Reine-régente, Anne d’Autriche, et le jeune roi Louis XIV ; il fit légèrement sentir les éperons à son cheval, et s’enfonça résolument dans le dédale de rues étroites, tortueuses, sombres et encombrées d’immondices, qui s’ouvrait devant lui.
Cependant, tout en cheminant, si préoccupé que fût le voyageur de ses propres affaires, il ne laissa pas de remarquer avec surprise l’aspect singulier de la ville ; nombre de boutiques étaient fermées ; les commères,