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deux voyageurs aucun événement digne d’être rapporté. Le vent s’était maintenu favorable ; l’embarcation s’approchait rapidement de Saint-Domingue. Les aventuriers se trouvaient en pleins débouquements.

Depuis leur abandon ils avaient aperçu quelques voiles ; mais toujours trop éloignées pour que leur embarcation légère, et dont la voile ressemblait à l’aile d’un alcyon, attirât sur eux une attention qui peut-être aurait été gênante. D’ailleurs ils avaient pris franchement leur parti ; maintenant ils ne désiraient plus qu’une chose : atterrir sans encombre à l’île de Saint-Domingue.

Cependant en approchant des débouquements, ils redoublèrent de prudence et de précaution. Ils savaient que c’était là que les flibustiers, semblables à des oiseaux de proie, s’embusquaient pour fondre au passage sur les navires espagnols, retournant en Europe richement chargés.

Ils ne voulaient pas être surpris à l’improviste ; car il leur fallait avant tout, se faire reconnaître pour ce qu’ils feignaient d’être, c’est à dire des Frères de la Côte.

Il était environ quatre heures et demie du soir. Pour plus de sûreté, ils avaient abattu leur mât et voguaient à la rame, au milieu de quelques îlots à travers lesquels il leur fallait absolument passer ; lorsqu’il leur sembla apercevoir sur une caye située à environ un mille en avant sous le vent de l’embarcation, une longue perche surmontée d’un lambeau d’une étoffe quelconque.

Cette perche ainsi solitaire, était évidemment un signal de détresse.

Les aventuriers s’arrêtèrent sur leurs avirons et se consultèrent, pour savoir s’ils continueraient à pousser en avant ; mais bientôt un coup de fusil, dont ils aperçurent la fumée, bien qu’ils n’en entendissent pas le bruit, leur révéla qu’ils étaient vus, et que le moment était venu pour eux, de jouer, comme on dit vulgairement, le tout pour le tout.

Ils souquèrent donc vigoureusement sur les avirons, et mirent le cap droit sur la caye.