Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/124

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misérable ; il se tordait dans des convulsions affreuses ; sa douleur était intolérable. De plus il voyait avec effroi que l’opinion était contre lui ; tous ces hommes de sac et de corde, qui n’auraient pas reculé devant un crime, éprouvaient une terreur superstitieuse de cet hérétique, instinctivement ils s’éloignaient de lui.

El Gato-Montès jugea prudent d’intervenir. La question se compliquait sérieusement, bientôt peut-être lui aussi serait en danger.

— Señor caballero, dit-il à l’Olonnais, je vous remercie doublement d’avoir dévoilé ce misérable ; d’abord parce qu’il commettait un vol indigne, ensuite parce que vous l’avez ainsi forcé à nous révéler qui il est ; nous sommes tous des hommes honorables, nous ne souffrirons pas qu’un pareil embustero échappe au châtiment qu’il a si justement mérité. Retirez votre poignard, señor. Je vous jure au nom des caballeros que voici, qu’en sortant d’ici, ce drôle sera immédiatement livré à la justice qui le réclame.

L’Olonnais sourit avec dédain, il enleva son poignard, en essuya la lame sur la table et le repassa à sa ceinture ; quant à Mastrillo, son visage était livide, il avait perdu connaissance. Deux de ses compagnons lui enveloppèrent la main avec une faja afin d’arrêter le sang et sur un signe d’El Gato-Montès, il fut emporté. Peu à peu le tumulte excité par cette scène se calma ; chacun retourna à son jeu, ou à sa table ; il ne resta plus dans la salle que don Pedro qui admirait consciencieusement l’action de l’Olonnais, celui-ci, Pitrians et El Gato Montès.

— Partons-nous, señores dit don Pedro, je crois que nous n’avons plus rien à faire ici ?

— Je le crois aussi, dit l’Olonnais ; partons.

Ils se levèrent et traversèrent la salle, salués avec la plus grande obséquiosité par tous les bandits ; lorsqu’ils se retrouvèrent dans la rue, El Gato-Montès s’approcha sans affectation de l’Olonnais qui marchait un peu en arrière de Pitrians et du Mexicain.