Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/149

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— Vous m’avez rendu un trop grand service, señor, pour qu’il me soit permis de vous refuser la seule chose que vous me demandez ; d’autant plus que j’ai la conviction, que c’est plutôt l’intérêt que vous me portez que la curiosité, qui vous pousse à connaître mon histoire.

— Il y a beaucoup de vrai dans ce que vous dites là, mon ami, ainsi parlez sans crainte ; il nous reste encore des cigares, nous avons de l’eau-de-vie dans notre bota ; donc commencez.

— Oui, señor, je parlerai, et cela d’autant plus, que vous n’êtes pas Espagnol.

— Hein ? s’écria Pitrians ; que voulez-vous dire ? à quoi le voyez-vous ?

— Oh ! rassurez-vous, señor ; rien ni dans vos manières, ni dans votre langage, ne le fait reconnaître ; vous avez, au contraire, tous les dehors et toutes les apparences d’un véritable castillan.

— Eh bien, puisqu’il en est ainsi, pourquoi cette supposition gratuite ?

— Pourquoi, señor ? parce que vous avez été bon pour moi ; que vous ne m’avez ni méprisé ni injurié ; vous avez, au contraire, eu pitié de ma misère ; j’ai vu une larme tomber de vos yeux, quand vous m’avez offert de partager votre repas ; alors je me suis dit : cet homme n’est pas un Espagnol ! un Espagnol me maltraiterait, me menacerait, et certainement, il refuserait de me jeter cette bouchée, que l’on ne refuse pas, même à un chien.

— Diable d’homme, fit Pitrians, il a une façon de tourner les choses !… Eh bien, allez, allez, contez-moi votre histoire, nous verrons tout à l’heure, si vous vous vous êtes trompé oui ou non, sur ma nationalité.

— Dieu veuille que je n’aie pas commis d’erreur ; dans tous les cas, et quelles que doivent en être pour moi les conséquences, je vous ferai de la façon la plus franche et la plus loyale, ce récit que vous désirez ; il sera court, je n’abuserai pas de votre patience.

— Bon ! bon ! allez toujours ; je vous ai dit que nous avions le temps ; si vous n’étiez pas venu, j’aurais