Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/190

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— Alors nous ne le tuons pas ?

— À quoi bon verser le sang de ce pauvre diable.

— Bah ! un gavacho !

— C’est un homme, après tout.

— Tu crois ? cela m’est égal, comme tu voudras ; que faisons-nous ?

— Nous nous embusquons, nous lui prenons ses dépêches, puis après l’avoir bâillonné et lui avoir bandé les yeux ; nous le cachons jusqu’à la nuit dans un fourré ; aussitôt le soleil couché, nous transportons notre gaillard dans la caverne ; là, nous l’attachons solidement après l’avoir bien fait manger, et nous l’abandonnons à ses réflexions ; il jeûnera quarante-huit heures, mais dame ! que veux-tu, il faudra qu’il en prenne son parti ; il n’en mourra pas.

— Après tout, s’il en meurt, dit philosophiquement Pitrians, ce sera tant pis pour lui ; il y aura mis de la mauvaise volonté.

À cette boutade, les deux amis se mirent à rire.

— Tu es sûr que ce courrier doit passer par ici ? dit Pitrians.

— Très-sûr ; sans même nous déranger, nous le verrons déboucher de l’un des chemins qui se croisent à ce carrefour ; voilà pourquoi du reste je t’ai directement amené ici.

— Et le duc, que comptes-tu faire avec lui ?

— Ma foi, je ne sais pas trop ; j’ai eu l’honneur d’être reçu deux fois par madame la duchesse ; j’ai réussi à m’introduire dans le palais et à en sortir de même ; l’avis de la duchesse est que son mari doit être laissé dans l’ignorance la plus complète des événements qui se préparent ; lorsque ces événements se seront accomplis, alors, contraint par les circonstances, il suivra sans doute l’impulsion qui lui sera donnée.

— C’est aussi l’avis de Vent-en-Panne ; il paraît que la duchesse connaît bien son mari ?

En ce moment le bruit d’un pas pressé se fit entendre dans les halliers.