Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/201

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duc ; il comprit que si habile qu’il fût, il avait trouvé un adversaire digne de lui et contre lequel viendraient se briser toutes ses finesses et ses roueries diplomatiques ; il se résolut à venir nettement au but.

— Monseigneur, dit-il, depuis quelques jours, je devrais même dire depuis l’arrivée de Votre Excellence à la Vera-Cruz, des bruits assez fâcheux sont répandus dans la ville, où ils entretiennent une animation regrettable…

Le capitaine s’arrêta comme s’il eut attendu que le duc prit la parole ; mais celui-ci demeura immobile dans la posture d’un homme écoutant avec la plus sérieuse attention.

Le capitaine fronça le sourcil ; après une pause de quelques secondes il reprit, en appuyant sur les mots comme s’il eut voulu bien en faire ressortir la portée :

— Monseigneur, ces bruits qui peut-être sont parvenus jusqu’à vous, ont jeté une très-grande inquiétude dans le commerce de la ville.

— Je vous ferai observer, señor, que, étranger à la Vera-Cruz où je ne me trouve qu’en passant, j’ignore complétement, surtout par suite de la vie retirée que je mène, et de mon manque absolu de relations, quels sont ces bruits, quelle est leur importance ; j’ajouterai en outre que je ne comprends pas comment il est possible que j’y sois mêlé d’une façon quelconque.

— Monseigneur, il me sera d’autant plus facile de répondre à la question que vous me faites l’honneur de m’adresser, que précisément, ces bruits ont pris naissance à l’occasion du débarquement de Votre Excellence à la Vera-Cruz ; si j’ai autant hésité à vous les faire connaître, monseigneur, c’est qu’ils sont d’une nature tellement odieuse, que je ne trouve pas de termes convenables pour atténuer ce qu’ils ont de blessant pour Votre Excellence.

— Halte là ! señor, dit vivement le duc, vous en avez dit trop ou trop peu ; je vous ferai observer qu’une lon-