Le guichetier s’inclina et sortit, en laissant la porte entr’ouverte.
— Ne m’avez-vous pas dit, il y a un instant, fit le gouverneur, que vous saisiriez avec empressement l’occasion de me remercier d’une manière efficace, du peu que j’ai eu le plaisir de faire pour vous ?
— Je l’ai dit en effet, seigneurie ; répondit l’Olonnais de son air le plus placide, mais se tenant de plus en plus sur ses gardes ; il comprenait instinctivement que le point noir qu’il redoutait, commençait à se dessiner.
— Eh bien, cher señor, en ce moment, je crois que si vous le voulez, vous pouvez me rendre un véritable service.
— Vive Dios ! j’en serai heureux, seigneurie ; de quoi s’agit-il ?
— Oh ! d’un simple renseignement.
— Je vous écoute respectueusement, seigneurie.
— Voici l’affaire : l’homme qui vous a arrêté, a mis dans l’exécution de ce mandat, un acharnement qui m’a semblé extraordinaire ; je vous dirai même que c’est lui qui a sollicité cette mission, en vous représentant à mes yeux et à ceux du corregidor, comme un homme dangereux ; tranchons le mot, en vous faisant passer pour un espion des Ladrones.
Le visage de l’Olonnais prit l’expression de la plus grande surprise.
— L’espion des Ladrones ? fit-il ; j’avoue en toute humilité à votre seigneurie, qu’il y a quelques jours, j’ignorais encore jusqu’au nom de ces bandits. Je me rappelle, à ce sujet, que leur nom ayant été prononcé devant moi, par don Pedro Garcias, mon ami, je lui demandai quels étaient ces hommes et pourquoi on les nommait ainsi. Je dois informer votre seigneurie, que cette fois est la première que je viens à la côte ; pour cette raison mon ignorance est bien naturelle.
— Eh bien, voyez un peu, cher señor, reprit le gouverneur ; comme parfois dans la vie, surgissent au moment où on y pense le moins, des événements bizarres ;