Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les deux dames étaient en proie à une surprise extrême, leurs regards se fixaient tour à tour sur le duc et sur le marchand avec une expression singulière et presque comique.

— Que signifie cela ? demanda enfin la duchesse à son mari.

— Ah ! ah ! le tour est bien joué, n’est-ce pas ? et vous vous y êtes laissé prendre ! répondit-il en riant ; mais, remettez-vous d’une alarme si chaude, mesdames comme le dit si bien l’illustre Molière ; j’y ai été pris tout comme vous ; si le marchand auquel vous avez acheté tant de belles choses, est notre ancienne connaissance Pitrians, je mettrai le comble à votre surprise, en vous présentant celui avec lequel je me suis longtemps entretenu, et qui est, lui, un de nos vieux amis.

— Qui donc ? demanda curieusement la duchesse.

— L’Olonnais ! s’écria presque malgré elle la jeune fille, en devenant rose comme une cerise.

— Vous avez deviné, reprit le duc, tandis que le jeune homme saluait respectueusement les deux dames.

— Certes, voilà qui me comble, dit la duchesse ; mais en même temps me semble bien extraordinaire.

— Un danger nous menace ; murmura doña Violenta, en baissant les yeux.

— Qui vous fait supposer cela, mon enfant ? dit le duc.

— La présence même de ce cavalier ici ; répondit la jeune fille d’une voix tremblante ; quand nous avons quitté Saint-Domingue, les frères de la Côte, et ce cavalier particulièrement, ne nous ont-ils pas assuré que leur protection nous suivrait partout ?

— En effet ; reprit le duc ; et vous concluez de cela ?

— Je ne conclus pas ; seulement il me semble que, pour que ce cavalier, qui nous a donné tant de preuves de dévouement, ait traversé la mer, et au risque de sa vie, ait osé s’introduire dans cette ville, et se présenter dans cette maison, il faut qu’un danger terrible nous menace.