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L’ÉCLAIREUR.

— À ma troisième question, vous m’avez répondu que vous exerciez la profession de négociant et que vous étiez établi à Santa-Fé ; c’est faux encore ; jamais vous n’avez été commerçant ; vous êtes sénateur, et vous résidez à Mexico ; enfin vous m’avez dit que vous ne faisiez que traverser le désert pour vous rendre à Monterey où vous appellent les intérêts de votre commerce supposé ; quant à cette dernière allégation, je n’ai pas besoin, je crois, de vous en démontrer la fausseté, elle ressort de l’ensemble même de vos autres réponses ; maintenant j’attends votre réponse, si vous en avez une à me faire, ce dont je doute.

Don Estevan avait eu le temps de se remettre du rude coup qu’il avait reçu ; aussi il ne se troubla pas croyant deviner d’où partait l’attaque et par quels moyens ceux devant lesquels il se trouvait étaient parvenus à obtenir les renseignements qu’ils possédaient sur lui ; il répondit d’un ton moqueur en pinçant ses lèvres d’un air narquois :

— Pourquoi donc supposez-vous que je ne puis vous répondre, caballero ? Rien ne m’est plus facile, au contraire, caspita ! Parce que, pendant mon évanouissement, vous avez, dirai-je volé ? non, je suis poli, je dirai donc enlevé adroitement mon portefeuille, qu’après l’avoir ouvert vous y avez trouvé certains renseignements, vous me les jetez à la face, convaincu que je resterai attéré en vous trouvant si au fait de mes affaires ! allons donc ! vous êtes fou, sur mon âme ; toutes ces choses ne sont que des niaiseries qui ne supportent pas l’analyse. Oui, c’est vrai, je me nomme don Estevan ; je suis né à Guanajuato en 1805, et je suis sénateur ; après ? Voilà-t-il pas de puissants motifs pour baser une accusation contre un caballero ! Cuerpo de Cristo ! suis-je donc le seul qui, dans le désert, porte un autre nom que le sien ? De quel droit, vous tous, qui ne vous désignez entre vous que par des surnoms, prétendriez-vous m’obligera ne pas suivre votre exemple ?