pressentiments ne me trompent pas, bientôt il nous faudra jouer des couteaux.
— On en jouera.
— Je le sais, Balle-Franche[1], je connais de longue date votre courage ; mais vous, Ruperto, votre camarade et moi nous ne sommes que trois hommes, en résumé de compte.
— Qu’importe.
— Comment, qu’importe ? lorsqu’il s’agit de combattre contre trente ou quarante chasseurs aguerris, en vérité, Balle-Franche, vous me rendrez fou avec vos idées. Vous ne doutez de rien : songez-donc que cette fois nous n’avons pas à lutter contre des Indiens mal armés, mais contre des blancs, des bandits de sac et de corde, qui se feront tuer sans reculer d’un pouce, et que nous succomberons inévitablement.
— C’est vrai, je n’y avais pas réfléchi, ils sont beaucoup.
— Nous morts que deviendra-t-elle ?
— Bon, bon, reprit le chasseur en secouant la tête, je vous répète que je n’y songeais pas.
— Vous voyez donc bien qu’il est indispensable que nous nous entendions avec Bon-Affût et les hommes dont il peut disposer.
— Oui, mais allez donc trouver à point nommé dans le désert la piste d’un homme comme Bon-Affût ? Qui sait où il se trouve en ce moment ? il peut n’être qu’à une portée de fusil de nous comme en être éloigné de cinq cents milles.
— C’est à en devenir fou.
— Le fait est que la position est grave. Êtes-vous au moins sûr cette fois de ne pas vous être trompé et de tenir la bonne piste ?
— Je ne puis rien assurer encore, bien que tout me fasse
- ↑ Voir Balle-Franche, 1 vol. in-12. Amyot, éditeur.