Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/20

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Le capitaine Legonidec s’était réservé pour lui et ses officiers la dunette, comme étant plus commode pour les exigences du service du bord ; les cabines de l’arrière dans l’entrepont avaient été aménagées de manière à former un appartement assez grand et très-confortable, pour Olivier, sa femme et leurs domestiques, qu’ils avaient ainsi sous la main lorsqu’ils en avaient besoin.

Une demi-heure à peine après l’arrivée à bord des deux passagers, le brick le Zéphyr dérapait son ancre, et descendait le rio de la Plata, toutes voiles dehors.

Faisons maintenant connaissance avec l’ami et protégé de maître Bernouillet.

Le capitaine Legonidec était un vieux et excellent marin ; il avait longtemps servi sous les ordres de Surcouf, comme officier ; il avait ensuite fait la course pour son propre compte, et, pendant un certain temps, il s’était rendu redoutable aux Anglais, auxquels il faisait des tours pendables ; mais un jour son bonheur habituel l’abandonna : il fut capturé sur les côtes d’Irlande par une corvette anglaise, et jeté sur les pontons de Portsmouth, où il souffrit d’horribles tortures à cause de plusieurs tentatives d’évasion, qui toutes échouèrent. Il ne recouvra enfin sa liberté qu’après la chute de l’empire et le retour des Bourbons.

Sa haine pour les Anglais, qui l’avaient tant fait souffrir, était implacable, leur nom seul lui faisait horreur ; cette haine était passée chez lui à l’état de monomanie furieuse ; son plus grand bonheur était de chercher querelle à tous les pauvres diables d’Anglais que leur mauvais destin plaçait sur son