Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/240

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remarquable dans sa jeunesse ; il était encore fort bien, avait des dents magnifiques et une expression d’indicible bonté répandue sur le visage ; il ne portait pas de barbe ; tout vêtu de velours noir comme il l’était en ce moment, un peu pâle et mélancolique plutôt que triste, il ressemblait, à s’y méprendre, à un de ces magnifiques portraits échappés au pinceau magistral du Titien, descendu pour un instant de son cadre.

Une demie sonna à la lourde pendule posée sur le piédouche ; à peine le timbre eut-il fini de vibrer, qu’un léger grattement se fit entendre à une porte ; mais le duc, plongé dans ses réflexions, ne sembla pas entendre.

Alors une portière fut soulevée avec précaution, et un serviteur vêtu de noir, en habit à la française, à collet droit et basques carrées, culotte courte, bas de soie, souliers à boucles d’argent, les cheveux poudrés et le visage glabre, entra dans le cabinet, s’approcha de la table et se tint immobile, attendant respectueusement que le regard de son maitre tombât sur lui.

Après quelques instants, le duc releva machinalement la tête ; il aperçut le valet toujours immobile.

— Qu’est-ce ? demanda-t-il nonchalamment.

— Son Excellence monseigneur le marquis de Palmarès Frias y Soto demande à présenter ses hommages à Monseigneur, avant son départ pour son château, de Balmarina, répondit le valet en. s’inclinant respectueusement.

Les sourcils du duc se froncèrent légèrement, mais son visage se rasséréna presque aussitôt.