Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/264

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rablement prises, et que, à moins d’un miracle…

— Qui ne se fera pas, mon fils, vous pouvez être tranquille. À présent, je rentre chez moi ; je vous laisse avec M. Maraval ; souvenez-vous que je vous attends tous deux à six heures et demie pour dîner.

Sans attendre de réponse, le duc sortit.

— Eh bien ? dit en souriant le banquier, dès que les deux amis se retrouvèrent seuls.

— Eh bien mon ami, que vous dirai-je ? C’est un rêve des Mille et une Nuits ; je joue en ce moment le rôle du fameux Aladin ; je viens de m’éveiller et je redoute de me rendormir.

— Chassez ces mauvaises pensées, mon ami votre père vous aime.

— Trop, voilà ce qui me fait peur ; je me demande même si c’est moi qu’il aime.

— Comment que voulez-vous dire ?

— Laissez-moi donc finir : si c’est moi qu’il aime, dis-je, ou si ce n’est pas plutôt l’héritier de son nom, destiné dans sa pensée à perpétuer sa race, menacée de s’éteindre par la mort de ses deux fils.

— Hum ! il y a probablement du vrai dans ce que vous dites là ; cependant je crois que vous allez trop loin.

— C’est possible, mais je ne sais pourquoi j’ai de sombres pressentiments. Je ne m’aveugle pas, mon ami ; cette fortune incroyable ne m’éblouit point ; vous le savez, je n’ai jamais eu de bonheur durable : je crains quelque affreuse catastrophe dans l’avenir.

— Allons donc, vous êtes fou ! c’est vous qui vous rendez malheureux à plaisir.