Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/299

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il n’avait modifié sa conduite que par affection pour son père, que cet apparent changement comblait de joie. Le duc, d’ailleurs, n’était pas revenu sur les graves sujets traités dans leur première entrevue ; jugeant inutile et presque dangereux de combattre de front les idées enracinées dans l’esprit de son fils, il avait pris le parti de dissimuler et de tourner la situation ; maintenant il se réjouissait de cette résolution, car la conversion de son fils lui semblait véritable. Seulement, en homme habile, il se gardait de faire aucune allusion à ce sujet scabreux.

Cependant, deux ou trois fois en causant avec son fils, le duc, sans paraître y attacher d’importance, lui avait parlé de son isolement, des fatigues et des ennuis inséparables de la vie solitaire d’un homme de son âge ; avec son nom, sa fortune, sa haute position dans le monde, rien ne serait plus facile à Olivier que de contracter une union brillante ; il rencontrerait à la cour nombre de jolies femmes portant les plus nobles noms de la monarchie espagnole, qui certes seraient fières de s’allier à la famille Pacheco ; il n’avait qu’à choisir ; mais chaque fois que le duc avait fait ainsi allusion à un mariage possible avec une riche et noble héritière, il avait vu soudain le visage de son fils se couvrir d’une telle pâleur, et prendre une si grande expression de tristesse, que malgré lui le vieillard, qui adorait ce fils depuis si peu de temps retrouvé, s’était toujours arrêté en soupirant, et avait brusquement changé de conversation, en murmurant à voix basse, tout en hochant la tête :

— Il est trop tôt encore ! attendons !