Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/330

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cet assassinat à coups d’ongles, à la façon des hyènes et des chacals, révoltait sa nature généreuse et lui inspirait un dégoût mêlé d’effroi. Il avait la fièvre ; tous ses muscles tressaillaient, ses artères battaient à se rompre ; une odeur fade de sang montait à ses narines. Il se demandait comment un homme d’un esprit distingué et cultivé, appartenant aux rangs les plus élevés de la société, avait pu froidement, de parti pris, méditer un crime aussi atroce ; il y avait là une énigme dont le mot lui échappait : était-ce une monomanie furieuse, une luxure sanguinaire, une fièvre féroce, qui avaient surexcité cet homme, d’un caractère relativement doux, à commettre une action aussi horrible, avec d’aussi effroyables raffinements de cruauté ?

Et alors, résumant dans son esprit la connaissance qu’il possédait du caractère de chacun des deux acteurs de ce drame sinistre, il se mit machinalement à reconstituer la scène telle qu’elle avait dû avoir lieu, en analysant froidement les sentiments respectifs des deux époux, au moment du crime.

La marquis n’était pas un homme méchant, tant s’en faut, mais chez lui les instincts brutaux et matériels dominaient dans d’énormes proportions ; la violence de son caractère était très-grande ; sa colère, souvent terrible, atteignait parfois les limites extrêmes où la folie commence.

Au contraire, la marquise, esprit essentiellement distingué, fin et délicat, bonne, affectueuse, mais mordante, acerbe et très-emportée, bien qu’elle aimât profondément son mari, se jugeait très-supérieure à lui ; elle méprisait trop, peut-