Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/346

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à plusieurs heures, c’est-à-dire aux premières de la nuit.

On ajoutait — il y a des gens qui se prétendent toujours mieux informés que les autres — on ajoutait que la vaille, entre huit et neuf heures du soir, on précisait presque l’heure, un carrosse de louage s’était arrêté devant la porte de la prison ; deux hommes masqués étaient descendus de ce carrosse, avaient présenté un ordre signé de la reine régente au directeur de la prison, qui les avait conduits lui-même à la cellule du prisonnier, où les deux hommes masqués étaient entrés. Une heure plus tard, les inconnus s’étaient retirés, ne laissant plus derrière eux qu’un cadavre dans la cellule : le marquis avait été empoisonné de force par ces deux hommes. On avait entendu ses cris et ses supplications ; mais le directeur, resté en surveillance dans le corridor, n’avait laissé approcher personne de la cellule.

Il y avait une autre version, plus étrange encore.

Celle-là fut accueillie avec une grande faveur par la foule, si impressionnable et si facile à irriter.

Elle prétendait qu’en sortant de la cellule, où ils n’étaient restés que pendant quelques minutes seulement, les inconnus n’étaient plus deux, mais trois ; qu’ils étaient remontés avec empressement dans leur carrosse, lequel était aussitôt parti au galop dans la direction de la calle San-Bernardino, où attendait, depuis longtemps déjà, un second carrosse attelé de huit mules, avec deux mayorales en selle. Le premier carrosse s’était arrêté ; les inconnus avaient mis pied à terre ; l’un d’eux, homme de grande taille, mais dont le visage disparaissait sous les plis de son manteau, était