Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/350

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Les commencements de la conversation entre le père et le fils furent pleins de réticences d’une part et d’hésitations de l’autre ; chacun d’eux semblait craindre, et craignait, en effet, d’entamer les questions sérieuses.

À cette époque, assez éloignée de nous déjà, il n’était pas encore question d’appliquer la vapeur ; il n’y avait pas de chemins de fer, encore moins de télégraphe électrique les communications étaient très-difficiles ; les journaux, très-peu nombreux, n’étaient pas répandus comme ils le sont aujourd’hui ; il fallait un temps considérable pour apprendre les nouvelles les plus importantes.

Il était évident pour Olivier que son père, vivant retiré dans le royaume lombard-vénitien, sur les bords du lac de Côme, ne savait rien encore de ce qui s’était passé à Madrid la nouvelle de l’assassinat de sa fille par son mari ne lui était pas parvenue : de là ses réticences, car il ne savait comment s’expliquer sans porter un coup mortel à ce vieillard qu’il aimait et respectait plus que tout au monde, et dont il connaissait l’amour profond pour sa fille.

Le duc sentait d’instant en instant croître son inquiétude ; les réponses embarrassées de son fils ne le satisfaisaient pas ; un sinistre pressentiment lui serrait le cœur. Enfin il se décida à entamer nettement la conversation.

— J’espère que la marquise est bien portante ? dit-il.

Olivier baissa la tête sans répondre.

— Eh quoi ! serait-elle indisposée ? reprit-il avec insistance.

Nouveau silence.