Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rir… J’ai voulu te voir à mes derniers moments…

— Vous vous trompez, madame ; je n’ai jamais eu de mère ; je ne vous connais pas, répondit-il froidement.

En entendant ces paroles, la malade frissonna, son visage prit une teinte terreuse, son regard devint rouge, ses cheveux se dressèrent sur sa tête et elle serra les mains contre sa poitrine avec une indicible expression de souffrance.

— Ah ! fit-elle avec un ricanement douloureux, tu me renies, toi aussi ? Oh ! tu es bien son fils à lui ! fils implacable et cruel comme il est lui-même ! race fauve au cœur de tigre ! Rien ne pourra-t-il donc te toucher ? resteras-tu sans pitié devant ta mère mourante, qui s’humilie et t’implore ?

— Je n’ai pas de mère, madame.

— Toujours cette parole ironique et cruelle ! s’écria-t-elle en se tordant les bras avec désespoir.

— Toujours, madame, parce que je dis vrai. Pourquoi me contraignez-vous de vous raconter ma lamentable histoire, moi qui ne vous connais pas ? Qui est le plus cruel, de vous ou de moi ? D’ailleurs, qui vous prouve que je suis votre fils ? À peine au monde, j’ai été jeté, enfant maudit, aux Enfants-Trouvés, avec cette honteuse étiquette : « Père et mère inconnus » ; j’ai constamment vécu seul, délaissé, méprisé, rejeté de tous, et, ce qui est horrible, poursuivi dans l’ombre, moi faible et sans défense, par une haine mystérieuse et implacable ! Quatre fois une femme a tenté de me faire assassiner, sans autre raison que celle-ci : Je la gênais… Comprenez-vous cela, madame ? Moi, pauvre vermisseau perdu dans la