Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

debout, c’est-à-dire contraire ; il fallut louvoyer au plus près par une grosse mer pendant assez longtemps ; puis vinrent des calmes, remplacés par des coups de vent subits ; enfin, entre la ligne équatoriale et les tropiques, à l’endroit si judicieusement nommé par les vieux marins le Pot au noir, le brick fut tout à coup assailli en plein calme par un grain blanc terrible, suivi presque immédiatement par un épouvantable pampero.

On nomme pampero, dans ces parages, un vent qui accourt avec une force presque irrésistible du fond des pampas, ces immenses plaines qui bordent les côtes de la bande orientale jusqu’à la Patagonie, et dont la violence est telle qu’il fait littéralement bouillir la mer sur son passage comme si elle était en ébullition.

Malheur au navire surpris par le pampero ! Enlevé par un tourbillon furieux, il devient le jouet des éléments affolés, sombre sous voiles, ou, s’il échappe, c’est après avoir perdu tous ses mâts, et à l’état d’épave, pour flotter au hasard sur la mer, où il ne peut plus se frayer une route. Heureusement, les pamperos se calment aussi rapidement qu’ils s’élèvent ; c’est un siphon qui passe, renverse, brise tout sur son passage et disparait presque instantanément.

Le capitaine Legonidec était un trop vieux loup de mer pour se laisser surprendre dans le Pot au noir par les grains blancs ou le pampero. Un coup d’œil jeté sur le ciel et à l’horizon lui avait suffi pour se mettre sur ses gardes : les vergues des perroquets avaient été descendues sur le pont, les mâts de perroquet et de hune calés à demi-mât, les basses vergues posées sur les porte-lofs, la