Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il s’interrompit.

La duchesse, sur laquelle son regard était obstinément fixé, s’était renversée, pâle, haletante, les yeux à demi fermés, sur le dossier de sa chaise.

— Mais bah ! reprit le capitaine, j’aurai toujours le temps de vous raconter cette histoire pour peu qu’elle vous intéresse ; voyons la corrida, nous sommes ici pour cela.

— C’est mon avis, dit le docteur ; chaque chose doit venir en son temps.

— Qu’avez-vous donc, madame ? demanda le duc à sa femme ; vous trouvez-vous mal ?

La duchesse se redressa en souriant.

— J’ai eu une peur affreuse, monsieur, répondit-elle d’une voix légèrement émue, je crois même que je tremble encore ; ne suis-je point pâle ?

— Vous êtes livide, madame ; seriez-vous indisposée ?

— Pas le moins du monde, monsieur le duc ; j’ai cru que ce malheureux alguazil était enlevé par le taureau, et alors…

— Eh quoi ! c’est pour cette espèce ? fit-il avec mépris.

— À présent c’est passé, fit-elle avec un charmant sourire.

Elle promena un regard assuré autour d’elle ; lorsque ses yeux s’arrêtèrent sur Olivier, il jaillit de sa prunelle un tel éclair de haine, que, malgré lui, le jeune homme se sentit frémir et détourna la tête ; la duchesse haussa dédaigneusement les épaules, un sourire de mépris courut sur ses lèvres, et elle tourna le dos, se remettant à causer