Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/158

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— On ne t’attachera pas, mais tu resteras tranquille ?

— Oui, si l’on me donne une belle pipe, comme celle de Jean Bart.

Le docteur Dupuytren me regarda attentivement pendant une minute ou deux.

— Tu me le promets ? reprit-il enfin.

— Je vous le promets, répondis-je fièrement.

— C’est bien, me dit-il, j’ai ta parole.

— Je la tiendrai.

M. Lugox assistait à cette singulière conversation ; sur un signe du docteur, il sortit et rentra un instant après avec une pipe en terre, dont le tuyau était au moins aussi long que moi.

— Faites, dis-je alors en m’asseyant sur une chaise préparée tout exprès ; faites, je ne bougerai pas.

Et je tins parole : je me laissai opérer sans faire un mouvement ; du reste, l’opération ne dura pas plus d’une minute, et fut faite avec une merveilleuse adresse.

— Ce sera un homme ! dit le docteur Dupuytren en m’embrassant.

Ce mot, sortant d’une telle bouche, me rendit tout fier.

Quelques minutes plus tard, la pipe était en mille morceaux.

Deux mois après cette opération, dont j’étais complétement guéri, un matin, M. et Mme  Lugox vinrent déjeuner au pensionnat ; ils me firent beaucoup de caresses, et, après le déjeuner, ils m’emmenèrent avec eux dans une voiture, rue Plumet, où ils demeuraient.