Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/166

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compagnent un changement de quart eurent cessé, et que le silence se fut définitivement établi, le jeune homme releva la tête, jusque-là penchée sur sa puissante poitrine, jeta un dernier regard autour de lui, et, cédant à une impulsion subite, il quitta le pont et rentra dans sa cabine.

Olivier remplit les verres, vida le sien d’un trait, alluma un cigare, et, après s’être de nouveau étendu sur un sopha, il reprit la parole.

Depuis leur retour, ses amis étaient demeurés immobiles, silencieux et pensifs, réfléchissant, sans doute, aux choses étranges qu’ils avaient entendues, et se demandant mentalement quelles seraient les suites d’un tel commencement.

— Messieurs, dit Olivier de sa voix vibrante, ici s’ouvre réellement la seconde phase de mon existence ; pendant la première, j’avais eu presque constamment conscience d’une espèce de protection, ou, pour être plus correct, d’une surveillance occulte, suivant mystérieusement toutes mes actions ; mais cette fois il n’en était plus ainsi : j’étais complétement abandonné et livré aux mains d’un homme auquel on avait brutalement donné droit de vie et de mort sur moi. Évidemment, si chétif et si misérable que je fusse, je gênais quelqu’un de puissant : on voulait, n’importe par quels moyens, se débarrasser de moi, tout en respectant cependant soigneusement la légalité ; on laisserait faire le hasard on l’aiderait, au besoin on le ferait naître, et on en profiterait, voilà tout.

Ainsi que je vous l’ai dit, j’avais à peine neuf ans ; j’étais petit, frêle et chétif pour mon âge ; j’avais été presque constamment malade pendant ma première enfance, et quelles maladies ! Je n’a-