Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/272

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mystérieux, une prescience inexplicable qui nous attache l’un à l’autre et fait que rien de ce qui vous arrive à vous, soit en bien, soit en mal, ne peut m’être inconnu ou étranger. Comment, lorsque les pirates surprirent notre navire, savais-je que ce serait à vous que nous devrions notre délivrance, et que vous étiez là, tout près de nous, pour nous sauver ?

— C’est vrai ! murmura-t-il.

— Vous en convenez, Carlos ; vous reconnaissez donc comme moi l’existence de cette mystérieuse attraction ? Je suis venue franchement et résolûment à vous, parce que, dans quelques heures peut-être, nous nous séparerons, et qu’une explication entre nous est indispensable.

— Dolorès ! s’écria-t-il en joignant les mains avec prière.

— Je sais tout ce que cette démarche a d’insolite et même d’inconvenant, aux yeux du monde, faite par une jeune fille de mon âge ; mais je ne suis pas dans une situation ordinaire vis-à-vis de vous, Carlos ; nous nous connaissons depuis longtemps déjà, quoique je sois encore bien jeune, et toujours nous nous sommes rencontrés dans des situations exceptionnelles ; aujourd’hui notre position à tous deux doit enfin s’éclaircir, être nettement posée. Je sais tout, Carlos ; dès la première seconde, lorsque la première fois votre regard s’est choqué avec le mien, j’ai deviné l’amour profond, irrésistible que je vous inspirais, et la passion qui gonflait votre cœur ; j’étais une enfant alors, je m’ignorais moi-même, et pourtant tout mon être s’élança vers vous, parce que tout le vôtre s’élançait vers moi ; cela eut la durée d’un