dit le duc en soupirant ; je voudrais entretenir Votre Majesté sur un autre sujet.
— Non ! non ! milord, fit la reine avec aigreur. Je ne veux parler de rien avant d’avoir la clef dans mes mains.
— Je me retire donc, madame, répondit le duc, avec le regret d’avoir vécu assez longtemps pour vous voir changée de la sorte. »
En disant ces mots, le duc salua et sortit.
« En bien ! Abigaïl, dit la reine à la favorite qui entra par une porte latérale, êtes-vous satisfaite ?
— Tout à fait, madame, répliqua mistress Masham. Votre Majesté aura la clef ce soir même.
— Vous croyez ? s’écria Anne.
— J’en suis sûre, répondit l’autre ; je ne voudrais pas, au prix de tous les lauriers du duc, être le porteur de votre message à la duchesse.
— Ni moi non plus ! répliqua la reine avec un demi-sourire.
Mariborough était bien de cet avis. Il n’avait jumais éprouvé autant d’inquiétude à la veille de la plus hasardeuse bataille, qu’il n’en ressentait à cette heure à l’idée de se trouver face à face avec sa femme : il aurait souhaité lui faire part de cette fâcheuse nouvelle soit par écrit, soit par quelque voie détournée ; mais la duchesse l’empêcha de mettre ce projet à exécution, en accourant elle-même à sa rencontre. Dès qu’elle s’aperçut, à la physionomie de son mari, qu’il s’était passé quelque chose de déplaisant, elle vint promptement au fait et lui demanda :
« Vous avez vu la reine ? que vous a-t-elle dit ?
— Accordez-moi un instant pour me remettre, observa Marlborough.
— Si vous craignez de me répondre, je le ferai pour vous, reprit la duchesse ; ma démission est acceptée. Oh ! n’essayez pas de me le cacher. Je le sais !
— Eh bien ! oui, fit le duc.
— Elle a du moins accordé la survivance à nos filles ? s’écria-t-elle.
— La reine refuse de remplir sa promesse, repartit Marlborough.
— Elle refuse ? Ah ! c’est la première reine d’Angleterre qui