sans vertige aucun ? Ici l’équilibre est moins sévère et dépend de l’heure. Le travail du musicien, qui rend son œuvre durable, est de ramener à l’ordinaire cette combinaison du lent et du vif, de l’héroïque, du sérieux et du léger. Mais, s’il y réussit jusqu’au détail par une méditation où la musique n’est plus qu’un moyen, c’est la foule innombrable qui chante alors dans sa musique, et il se joint à la beauté propre de l’œuvre une émulation d’admirer avec ceux qui l’ont déjà entendue. C’est ce qui, en toute œuvre, achève la gloire.
CHAPITRE VII
DU THÉÂTRE
Le théâtre est comme la messe ; pour en bien sentir les effets il faut y venir souvent. Celui qui passe sera choqué de certaines négligences sur la scène, et tantôt ennuyé, tantôt trop vivement ému. Il ne faut pas moins de temps peut-être pour faire un bon spectateur que pour faire un bon acteur ; car il faut apprendre à pleurer avec plaisir, et cela ne va pas avec des surprises trop fortes, ni sans une curiosité à beaucoup de petites choses, qui ne laisse pas aller le serrement de cœur jusqu’à la peine. Il ne faut pas oublier que le plaisir du théâtre est un plaisir de société. La disposition même des salles le rappelle assez, puisqu’elles tendent à former un cercle de spectateurs, interrompu seulement par la scène. Ce sont de petits salons qui ont vue les uns sur les autres. Et ici éclate cette vérité qu’il est avantageux de vivre en public, et que la politesse n’a jamais trop de témoins.