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rément il y a de l’automate dans la mémoire, mais non pas tant qu’on veut le dire, et toujours dans l’action, entendez dans le langage. Ces remarques ont pour but de mettre le lecteur en garde contre ces constructions idéologiques où les idées et images sont prises comme des termes invariables apparaissant l’un après l’autre sur l’écran. Que cette mécanique de la pensée soit bien puérile, c’est ce que l’étude de la mémoire achèvera de montrer.

Ajoutons que ces fameuses lois de l’association des idées n’expliquent rien. Qu’une orange me fasse penser à la terre, cela n’est nullement expliqué par la ressemblance ; car une orange ressemble encore plus à une pomme, à une balle, ou à une autre orange. Et dans cet exemple il est assez clair que la prétendue association n’est que le souvenir rapide d’une leçon d’astronomie, où l’on comparaît les aspérités de l’écorce à la hauteur des montagnes sur notre globe, et c’est donc une analogie, c’est-à-dire une pensée véritable, qui porte ici l’imagination.

CHAPITRE XIII

DE LA MÉMOIRE

Percevoir, c’est toujours se représenter. Il y a donc dans notre perception si simple qu’elle soit, toujours une mémoire qu’on peut appeler implicite. Toutes nos expériences sont ramassées dans chaque expérience. Percevoir par les yeux une allée bordée d’arbres, c’est se souvenir que l’on a parcouru cette allée-là ou d’autres,